Final Incal tome 2

J'ai déjà parlé ici d'oeuvres scénarisées par Alexandro Jodorowsky. L'inventeur de l'Incaliverse n'a au fond jamais abandonné cet univers, enrichissant la série originelle d'une préquelle (Avant l'Incal) puis de deux séries additionnelles (La Caste des Métabarons et Les Technopères). A la limite, aucune de ces autres série n'a le souffle de L'Incal et on peut se permettre de ne pas les avoir lues. Il y a une dizaine d'années, Jodo a cherché à travailler de nouveau avec le grand Moebius, l'idée cette fois-ci étant de produire une séquelle à L'Incal, une idée qui ne pouvait que plaire aux fans (ou en tout cas, j'ai été séduit par le concept, quant à moi) car elle promettait un retour aux sources après les errements dantesques de La Caste des Métabarons... Je ne sais pas au juste ce qui s'est passé mais après un premier album paru (et assez réussi, au fait), j'ai attendu, et attendu, et attendu, la publication de la suite... Mais sans jamais en avoir de nouvelles. A croire qu'il s'agissait d'une véritable série-fantôme. Et puis un beau jour, j'ai vu paraître un album intitulé Final Incal tome 1. Dans lequel j'ai retrouvé la même histoire (à très peu de choses près) que celle d'Après l'Incal, mais pas dessinée par Moebius.

Comme les idées sont immortelles dans la tête de Jodo, il a déniché un nouveau dessinateur et a continué son travail de scénariste. Pour nous livrer cette nouvelle série dont le tome 2 est sorti depuis quelques mois.

Résumé :
John Difool, habitué aux rencontres surprenantes, se trouve embarqué dans un voyage depuis Terre 2014 en compagnie de trois individus qui ne sont autres que lui-même : une version de lui en plus beau, un vieux sage à tendance gourou et un ange avec de vraies ailes et de vrais super-pouvoirs. Tout ce petit monde, accompagné par Deepo, est sur la trace de Louz de Gara, dont Difool était jadis amoureux et qui vit, pour l'heure, sous la protection du pirate Kaïman, sur l'Ile de la Tortue. Pendant ce temps, la Galaxie tremble : le Mécaprez, maître de Terre 2014, cherche à répandre le virus tueur partout dans l'Empire. Une seule façon d'échapper à la mort : choisir la robotisation et la soumission aux forces sombres qui dirigent le Mécaprez ! Les Technos, qui sont à l'origine de l'aberration apparue sur Terre 2014, ne parviennent pas à convaincre l'Empire de leur porter assistance et de tuer dans l'oeuf les sombres projets de l'androïde. Le nouveau Techno-Pape cherche un allié qui lui permettra d'unifier sur Terre 2014 les aristos et la résistance biologique. Louz de Gara, si John Difool parvient à la retrouver, pourrait bien être la clé du conflit qui s'ouvre...
Je dois dire, à la lecture de cet album dont la genèse est si particulière, que pour la première fois depuis le départ de Moebius on découvre un dessin convaincant dans les multiples séries dérivées de L'Incal. Après les pinceaux de Janjetov (Avant l'Incal), le trait comics-isant à tendance gore de Gimenez (La Caste des Métabarons) et le dessin qui respire le silicium de Janjetov et Beltran (Les Technopères), on tient ici avec un certain Ladrönn un dessinateur qui impose un graphisme convaincant dont la parenté avec celui de Moebius est apparente tout en parvenant à le renouveler. Je dis bravo, ce n'était pas évident : Moebius et L'Incal sont des monuments de la BD ; parvenir à faire quelque chose de nouveau tout en restant malgré tout dans le même champ graphique (les personnages sont reconnaissables) est une performance qui mérite d'être saluée. On se sent aussitôt "chez soi" dans ce Final Incal et les innovations graphiques ne surprennent pas : elles convainquent, plutôt.

Quant à ce qui est du scénario, s'il ménage leur espace vital aux habitudes mystiques de Jodo, il parvient à les confiner dans une durée fictionnelle assez réduite et elles ne parasitent pas trop le propos véritable, qui est avant tout du space-op'. Ah que c'est bon. Parce que l'Incaliverse a commencé comme ça, et pas avec autre chose.

Il s'agit donc là d'un bel album, que je recommande aux lecteurs de L'Incal - et qui donne envie de se pencher sur la suite qui, à ce qu'il semble, sera aussi la fin de cette séquelle...

Commentaires