"La rafle"

Les faits de la rafle parisienne de Juillet 1942 sont connus : la police française, aux ordres du régime collaborationniste de Vichy, a rassemblé des milliers de juifs au Vélodrôme d'Hiver, prélude à leur déportation vers les camps de la mort d'où presque aucun n'est revenu. Parmi ces gens, des centaines d'enfants qui n'avaient pas été réclamés par l'occupant : les dirigeants de Vichy avaient choisi d'aller plus loin qu'il ne leur était demandé, dans l'espoir peut-être de s'attirer les bonnes grâces de Hitler. Les faits sont têtus et ceux-ci le sont d'autant plus qu'il est difficile de les appréhender : d'un côté, un calcul politique effroyable, de l'autre, les victimes de ce calcul qui furent sans doute nombreuses à, pour reprendre les mots de Georges Perec dans W ou le souvenir d'enfance, être mortes "sans avoir compris".

La rafle s'ouvre sur un avertissement : les faits décrits, et y compris les plus extrêmes, sont réels. Et comme pour en souligner la réalité plutôt que le réalisme, les premières images ne sont autres que celles du film de propagande tourné lors de la visite de Hitler à Paris en Juillet 1940, avant de s'enchaîner - passage du noir et blanc à la couleur - sur le corps de la narration. Celle-ci se concentre sur le sort de quelques personnages liés à l'histoire de la rafle du Vélodrôme d'Hiver : deux familles juives qui seront peu à peu séparées, le seul médecin juif autorisé à travailler à l'intérieur du Vélodrôme et une jeune infirmière venue de l'extérieur pour l'assister. Le film se décompose à peu près en deux moitiés : la première finit lorsque les raflés sont emmenés du Vélodrôme d'Hiver jusqu'à leur camp de transit vers Beaune.

Le parti-pris des auteurs est celui de se concentrer sur la "petite" histoire, celle des personnages présentés plus haut, plutôt que sur la "grande", à savoir celle des dirigeants allemands ou français qui, pendant leurs apparitions fugaces, préparent un crime inouï. Et c'est là que le bât blesse déjà, car en privilégiant cette "petite" histoire, le film relègue aux oubliettes tout questionnement politique sérieux, alors que, de toute évidence, les décisions prises par Pétain, Laval, Hitler et Bousquet ne sont pas faites au hasard et sont sous-tendues par des choix d'ordre politique. A la place de ce questionnement - indispensable, pourtant, pour comprendre toute la dimension de l'horreur subie par les raflés du Vélodrôme d'Hiver - le film est submergé par la seule émotion d'un quotidien déchiré jusqu'au-delà du tragique, avec son lot de séparations inhumaines. Car la rafle du Vélodrôme d'Hiver, c'était aussi la violence terrifiante faite à des gens qui ne pouvaient croire que l'autorité pourrait aller jusqu'à les arrêter. Puis qui ne pouvaient croire après leur arrestation qu'ils seraient déportés. Et cette violence bien loin d'être arbitraire, on ne peut la comprendre sans la replacer dans son contexte politique. Or les clés manquent, dans La rafle, pour saisir tout ce contexte...

Le jeu des deux "vedettes" choisies pour incarner le personnage du père de famille déporté (Gad Elmaleh) et celui du médecin (Jean Reno) apparaît alors d'autant moins crédible. Si Gad Elmaleh a parfois quelques lueurs, en particulier lors de l'arrestation de son personnage, il n'en est rien pour Jean Reno qui joue avant tout son propre personnage. Leur très brève interaction dans le camp de transit (pas plus d'une minute !) confine alors au ridicule lorsqu'ils confrontent leurs opinions politiques : trotskyste pour l'un, sioniste pour l'autre, et on s'en tient à ça... Le personnage de l'infirmière est quant à lui mieux réussi et plus crédible, en ce sens qu'elle est la seule à poser les bonnes questions - même si elle ne comprendra pas avant qu'il ne soit trop tard. C'est en définitive les enfants qui jouent presque le mieux, même si, comme on peut s'y attendre, ils jouent surtout le rôle de déclencheurs d'émotion.

La scène finale rassemble à nouveau, la guerre une fois terminée, certains des protagonistes. Hélas, le parti-pris émotionnel parasite là encore toute la scène, qui semble pourtant reposer sur une idée bien mal exploitée. C'est avec logique alors que le film se conclut sur le rappel de quelques faits sobres et terribles : les chiffres de la rafle du Vélodrôme d'Hiver ; mais pouvait-on envisager de terminer ce film d'une autre façon ?

Au fond, qu'est-ce La rafle ? Est-ce un documentaire ? Mais un documentaire est fait pour instruire et pour donner à réfléchir. Est-ce une fiction ? Mais les faits racontés sont réels. Alors ? Il est bien difficile de répondre à cette question au sortir de ce film. Est-ce à dire que les auteurs eux-mêmes ne savaient pas ce qu'ils devaient tourner au juste ? Voilà qui serait fâcheux, mais qui expliquerait pour le coup pourquoi ce film est si décevant...

Commentaires

mcflyherty a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anudar a dit…
Eh bien, pourquoi donc avoir commenté si c'est pour supprimer le commentaire ? En plus il n'était pas inintéressant :)...
Anonyme a dit…
J'ai vu le film la rafle il est bien mais triste surtout que c'est une vraie histoire !! bonne continuation :)
Manon
Anudar a dit…
Bienvenue ici, et merci pour votre commentaire !

D'accord pour dire que c'est un film triste et qu'il est basé sur une histoire vraie. Par contre, je ne suis pas tout à fait d'accord quand à dire que c'est un bon film. Cela dit, c'est très subjectif et je sais que pas mal de gens l'ont trouvé bon...