Bifrost numéro 63

Je me suis procuré hier le dernier numéro paru de la revue Bifrost. Ce numéro a ceci d'intéressant (bien entendu, en particulier) qu'il s'agit d'un spécial Frank Herbert - et vous savez ce que j'en pense...

Au menu de ce numéro :
  • Dans la rubrique Interstyles, quatre nouvelles dont deux du Maître en personne. Semence (déjà publiée auparavant dans l'anthologie Le Prophète des Sables chez Pocket) est un planet-opera écrit par le Maître, une histoire de terraformation difficile où les personnages principaux, constatant l'échec de la méthode prévue (implanter sur leur nouvelle planète les plantes et les animaux sélectionnés sur Terre) se résignent peu à peu à ruser avec les lois de l'évolution pour produire des espèces viables, en imitant ainsi les faucons qui ont réussi à survivre (notons que dans Dune, le faucon est l'emblème de la Maison des Atréides). Le Clin d'oeil du Héron, de Jean-Claude Dunyach, une énigmatique nouvelle où un homme trouve une boucle d'oreille perdue par une jeune femme dans l'aéroport d'Amsterdam et la lui rend un peu plus tard, mais en fait c'est pas elle, et surtout c'est pas sa boucle d'oreille : magicien ou pas, j'ai rien compris, à commencer par le propos de l'auteur, mais c'est pas grave, ça se laisse quand même lire. Exorciser ses Fantômes, de Eric Brown : un space-opera où des récupérateurs d'épaves acceptent de transporter une femme dissimulée dans sa combinaison de combat jusqu'à l'endroit où sa famille a été tuée par une race extraterrestre. Il y a là-dedans tous les ingrédients d'un bon space-opera, mais ce qui en fait un grand space-opera, c'est encore la chute que je me vois obligé de qualifier de géniale. J'ai beaucoup aimé. Enfin, Mort d'une Ville, autre nouvelle du Maître, où deux "médecins de villes" cherchent un moyen de sauver une agglomération où les haines montent et entraînent la fuite des habitants les plus talentueux. Le Maître, toujours visionnaire, a sans doute perçu les risques inhérents à la vie citadine contemporaine et non pensée, imaginant une solution à travers ce corps des "médecins de ville". J'ai envie de dire qu'il faudrait peut-être en envoyer quelques uns à Paris afin de soigner une ville de toute évidence malade d'elle-même. Ceci étant dit, je n'ai pas été convaincu outre mesure par cette nouvelle inédite en France, mais il est vrai que j'ai quelques difficultés en général avec le Herbert non sableux...
  • La rubrique Ballades sur l'Arc, avec près de cinquante pages de critiques. Pas lue, en général, je ne m'intéresse pas à ce genre de contenu.
  • Le dossier sur Frank Herbert annoncé en couverture, cinquante pages en sept articles différents. Le troisième, La Genèse de Dune, est un texte écrit de la main du Maître lui-même. Petite pensée un peu émue de ma part quand j'ai découvert que ce texte date de 1980 (mon année de naissance au cas où vous ne le sauriez pas). Le Maître nous explique un certain nombre de choses concernant sa pensée, ou du moins, ce qu'il en laisse percevoir à travers Dune. On découvre une oeuvre inscrite dans son époque ("La CHOM, c'est l'OPEP") et une philosophie de méfiance vis-à-vis du pouvoir et de ceux qu'il attire ("Qu'est-ce qui produit un Nixon ?"). Désabusé à l'égard des "systèmes" quels qu'ils soient, car il y perçoit le ferment du conservatisme. J'y ai découvert un Maître sans doute plus progressiste que je ne le percevais jusqu'alors. Les autres articles correspondent à des exercices plus ordinaires : éléments biographiques, souvenirs personnels d'un proche (Philippe Hupp, dont j'avoue avoir ignoré jusqu'au nom jusqu'alors), analyse critique de Dune (par Claude Ecken), analyse du film de Lynch (par Ugo Bellagamba, qui est quand même une pointure) ainsi qu'un guide de lecture. Au total, un abondant dossier qui mérite d'être lu de bout en bout. Le dunien comme le non-dunien y trouveront sans nul doute du grain à moudre. Je retiens que le Maître lui-même n'a pas approuvé le projet d'adaptation d'Alexandro Jodorowski, trop empreint de mysticisme à ses yeux. Voilà qui est agréable à lire.
  • La rubrique Scientifiction du professeur Lehoucq, assisté cette fois-ci de Stéphane Sarrade, nous parle de chimie en SF et en particulier dans Dune. Somme toute, la fameuse épice est peu décrite, mais les passages finaux (processus de distillation et donc... l'éventuelle possibilité de réalisation d'un vrai distille fremen !) se révèlent très argumentés ainsi que très intéressants.
  • Enfin, la rubrique Infodéfonce et Vracanews où entre autres choses l'équipe de Bifrost salue l'initiative numérique d'Ayerdhal et Dunyach (bien qu'en se montrant quelque peu, disons, piquante quant aux premières explications du premier de ces deux compères) et présente les lauréats des Nebula Awards 2010 (où KJA n'a toujours pas été distingué, donc : tout va bien).
Ce Bifrost numéro 63 est donc une bonne cuvée, à lire et à relire.

Voir aussi la chronique de Guillaume Stellaire.

Commentaires

Guillmot a dit…
Merci pour le lien ! Vraiment sympa le témoignage de Philippe Hupp.